Les ceintures de compétences aident les enfants réfugiés à se réapproprier leur éducation

Date de publication : 22/02/2019
« Pour redonner le goût de l’école, apprendre, progresser, dans un climat de bienveillance et de confiance en soi. La classe devient alors un lieu de vie, d’échanges, de questionnements, de recherches, de repères et de sécurité ». Eric, professeur français, qui a aidé Télécoms Sans Frontières (TSF) dans la mise en œuvre du projet mLearning en Syrie et Turquie, explique le système de ceintures de compétences et pourquoi il est adapté au contexte de la crise Syrienne.
Les élèves apprennent avec le système de ceintures de compétences

Des années de guerre en Syrie ont obligé des milliers d’enfants à fuir leurs maisons et abandonner leurs écoles, qui étaient détruites, devenues dangereuses où inutilisables. Dans une situation où la guerre, les bombes et la peur ont pris la place de l’éducation, des jeux et de l’amusement, un « lieu de vie » devient une lueur d’espoir qui peut vraiment faire la différence. L’activité de mLearning et le système de ceintures de compétences mis en place par TSF offrent aux enfants réfugiés la possibilité de recevoir une éducation personnalisée dans un contexte où l’éducation traditionnelle ne peut être appliquée. « Le numérique est un outil facilitateur d’apprentissages et de communication, s’adaptant aux possibilités de chacun. C’est un outil parmi d’autres (au même titre qu’une feuille ou un crayon), mais pas tout à fait comme un autre puisqu’il ouvre sur un monde de possibles ».

Pourquoi les ceintures de compétences sont-elles adaptées pour l’enseignement aux enfants syriens ?

 « Je pense que le système de ceintures de compétences est parfaitement adapté au contexte des centres en Syrie et en Turquie. Il permet, finalement, de redonner le goût de ‘vouloir apprendre’  et accentue la collaboration, la coopération et l’entraide entre les enfants ».

Le système éducatif traditionnel ne peut pas répondre entièrement aux difficultés rencontrées par les enfants syriens, À cause du conflit, ils ont perdu des mois, même des années d’éducation, sans considérer les conséquences psychologiques que ce contexte peut avoir sur les enfants et leur apprentissage. Ils peuvent être à différents niveaux de leur enseignement, ils peuvent avoir un niveau plus bas que leurs camarades et leur apprentissage a inévitablement été affecté par l’environnement où ils ont vécu pendant des années. À TSF, nous mettons toujours au premier rang nos bénéficiaires et leurs besoins, convaincus que l’aide humanitaire doit être toujours adaptée à ces besoins. Pour cette raison nous avons contacté Eric, qui utilise déjà les ceintures de compétences en classe depuis plusieurs années, afin de répondre aux besoins spécifiques des réfugiés syriens.   

Pourquoi avez-vous accepté de collaborer avec TSF ?  

« Il y a 5 ans, à l’issue d’une première mission humanitaire en Cisjordanie au cours de laquelle j’ai pu effectuer des actions pédagogiques à destination d’enfants dans un  camps de réfugiés, je me suis dit que j’avais enfin réussi à mettre du sens sur le don pour d’autres. Alors, lorsque TSF m’a contacté, je n’ai pas hésité une seule seconde pour continuer à vivre des expériences humanitaires intenses, pour donner de mon temps pour des enfants dans le besoin ».      

Que est-ce que le système de ceintures de compétences ?  

« Les ceintures de compétences sont un dispositif d’évaluation organisé par paliers de compétences. Chaque palier de compétences est symbolisé par une couleur (allant de la blanche à la noire), comme au judo. Dans chaque palier se trouvent un certain nombre de compétences que chaque élève se doit d’acquérir. L’élève doit nécessairement valider toutes les compétences d’un même palier pour passer à la ceinture suivante. Pour ce faire, des outils sont à sa disposition : activités de découvertes, ateliers de manipulation, procédures d’entrainements (papier et numériques), parcours d’apprentissages, fiche d’évaluations ».

Un apprentissage personnalisé et individualisé pour enrichir son estime de soi

Ce système permet aux élèves « une différenciation réelle dans les apprentissages et les rythmes d’acquisition, une autonomie, une prise de parole et des échanges coopératifs entre pairs ». « Les enfants ne conçoivent pas et n’intègrent pas les mêmes compétences au même moment. Ce dispositif donne une liberté importante pour que chaque individu ‘élève’ puisse bénéficier d’un enseignement personnalisé et individualisé. On prend chaque enfant là où il en est et on le fait avancer à son propre rythme d’apprentissage. On s’assure ainsi d’un enseignement performé par la prise en compte de l’élève dans son intégralité ».

Ce système permet non seulement aux étudiants d’apprendre à leur rythme, mais il les aide aussi à améliorer leur confiance en soi, souvent dégradée par des conditions de vie très instables. « Le ‘risque’ est maîtrisé. L’erreur est démythifiée. L’évaluation est désacralisée, verbalisée. Ainsi, l’élève, à mesure de ses réussites et de ses ‘échecs’, enrichit son estime de soi en relation avec ses travaux ».

Pourquoi le numérique est-il utile dans le cadre de ce système ?  

Dans le cadre de ce système de progression, le numérique devient un outil très puissant. « En effet, les enfants les plus jeunes comprendront l’utilité de photographier leurs réussites (permettant une valorisation et une validation de leurs acquis), ou encore de la liberté de choix dans les phases d’entraînements et d’activités liées au plan de travail (applications et logiciels éducatifs, recours aux Q-R codes, …). Les plus grands, eux, sauront utiliser également les outils numériques pour gagner davantage en autonomie : impression de fiches de travail, réalisation de capsules vidéo pour présenter une leçon à ses camarades, validation de ses compétences avec des applications interactives, communication aux familles des avancées et des bilans d’acquisition ».

Grâce au système de ceintures de compétences et à l’apport essentiel du numérique, « l’élève, responsabilisé dans son parcours d’apprentissage et dans son travail, n’hésite plus à choisir et aller chercher les supports nécessaires pour une activité, à demander de l’aide à l’un de ses camarades ou  à communiquer avec les autres sur ses découvertes au sein de son groupe ».

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